Il était une fois un quidam qui ne voulait pas mourir ( comme chacun d'entre nous, çà va de soi). Pourtant il faut bien se faire une raison, lui s'obstinait, s'obstinait jusqu'au jour où perdu dans ses réflexions, il rencontre une vieille femme tirant une carriole lourdement chargée. Emu par l'épuisement aparant de celle-ci, il lui prend les brancards des mains et monte la côte hardiment.
Arrivés au sommet, la vieille lui dit : « je suis une fée, pour te remercier, fais un vœux, je l'excauserai ». Notre homme saute sur l'occasion.
⁃ Je ne veux pas mourir.
⁃ Hum ! Pour cela, dit la fée, je suis obligée de t'éxiler sur une étoile lointaine, le veux-tu vraiment ?
⁃ Oui, répond-t-il fermement !
Un nuage de poussière, un éclair, tout à disparu.
Dans un petit coin de l'univers, perdu sur son étoile, notre homme s'ennuie. Voilà plusieurs siècles qu'il est perchè là, solitaire.
Et si je retournais sur terre, se dit-il, même si la fée me l'a interdit ? La mort m'a sûrement oublié ! Il hésite encore un peu, puis n'y tenant plus, s'élance d'un bond vers cette planète bleue qu'il aperçoit au loin.
Juillet. La moisson bat son plein, les moissonneurs s'activent, faux, faucilles étincellent au soleil. Un nuage de poussière, un éclair, notre homme se retrouve au bord du chemin. Une vieille dame toute courbée par l'âge, coupe de l'herbe pour ses lapins avec une petite faux dorée.
Elle se retourne souriante, « je m'appelle Atropos » et d'un geste vif coupe le fil. L'homme tombe.
Philippe Belleney, adaptation d'un conte populaire indo-européen
(L'homme qui ne voulait pas mourir).