Le marchand de sable et la poudre aux yeux !
Si l’évasion fiscale provoque toujours – et fort heureusement – la colère de ceux qui n’ont rien à faire évader, il n’en reste pas moins vrai que cette pratique continue à se développer, dans la plus totale indifférence des gens haut placés qui sont atteints de cécité chronique pour la bonne et simple raison qu’ils en sont eux-mêmes les acteurs les plus zélés.
Difficile en effet d’imaginer l’ouvrier de chez Peugeot ou la concierge de mon immeuble exfiltrer en Suisse, au Luxembourg, Jersey ou autres iles Caïman des revenus qu’ils ne possèdent et ne possèderont jamais! Et pourtant!
Et pourtant je vais vous raconter l’histoire de Raymond Contébon, un gars qui, à défaut d’argent, a su exploiter son génie pour s’enrichir quand même au nez et à la barbe d’un fisc français bien connu pourtant pour son intransigeance dès qu’un tricheur gagnait moins de dix mille euros par mois.
C’était en 1973. Un beau matin le douanier Suisse de faction au poste frontière de… vit un cycliste arriver vers lui tranquillement au pas lent de son vélo. Lorsque l’homme arriva à la barrière le douanier, bien sûr, consciencieux comme un suisse, l’arrêta immédiatement :
- «Bonjour Monsieur ! Avez-vous quelque chose à déclarer ? » Tout en interrogeant le quidam il jetait un regard très professionnel sur l’homme et son vélo, un beau vélo flambant neuf qui brillait de tous ses chromes, et il vit immédiatement le gros sac bombé attaché sur le porte-bagage de la bicyclette.
- « Et ce sac, là ? qu’est-ce qu’il y a dans ce sac, là ? »
- « Dans le sac, là ? Oh, pas grand-chose Monsieur, juste du sable ! »
Perplexe, le douanier se grattait le menton. Du sable ? Hou là-là, c’était plus que louche ! ça cachait sûrement quelque chose ! Du… Du sable aurifère peut-être !!! Il fallait agir, et tout de suite :
- « Ouvrez moi ce sac, que je voie un peu ! »
- « Mais certainement, Monsieur le douanier ! Certainement ! »
Raymond détacha le sac qu’il vida dans un grand seau à la demande du fonctionnaire. Celui, armé d’une loupe à fort grossissement en fouilla méthodiquement le contenu mais au bout d’un moment force lui fut de constater qu’il s’agissait bien de sable, uniquement de sable, un sable tout ce qu’il y avait de plus ordinaire. Il s’était donc trompé, mais, poussé par sa déception, il n’allait pas laisser l’autre s’en tirer comme ça. Il prit alors son air le plus suspicieux :
- « Et... On peut savoir ce que vous allez faire en Suisse avec ce sable ? »
Raymond ne se laissa pas démonter :
- « Oh, c’est tout simple, Monsieur le douanier ! Mon beau-frère qui vit en Suisse est en train de faire des travaux dans la maison qu’il vient d’acheter avec ma sœur, alors je vais lui donner un petit coup de main! Je suis maçon, alors…»
Mais le douanier, énervé, frustré comme un douanier bredouille ne le laissa pas finir :
- « Allez, c’est bon, c’est bon, circulez ! »
Il ouvrit la barrière pour laisser passer Raymond qui disparut bientôt dans la campagne helvète.