Rouge 1 : Entre connotation et dénotation
Il me semble superflu de préciser que, dans notre petit groupe de gens de gauche (enfin j’espère !) quand on dit « rouge » cela nous renvoie d’abord à nos idéaux politiques, et c’est bien la moindre des choses. Mais comme nous sommes des gens évolués, nous ne nous arrêterons pas, pour une fois, à ce premier réflexe épidermique et nous nous pencherons plutôt sur les différentes significations que ce mot (ou cette « couleur ») peut évoquer.
Ainsi, –et je ne vous apprendrai rien en le disant– le rouge, vous le savez, nous renvoie à un certain nombre de significations symboliques :
D’abord il connote le pouvoir (la pourpre des empereurs romains, celle des cardinaux, la robe des magistrats, le tapis rouge qu’on déroule sous le pied des grands de ce monde, la légion d’honneur, les rideaux de théâtre etc.) Il renvoie aussi à la vitalité, la vigueur, l’instinct combatif et ses tendances agressives, la pulsion sexuelle, le désir amoureux, la passion, le besoin de conquête, le sang et le feu etc.
Quant aux dénotations, lorsque quelqu’un rougit, cela peut indiquer la timidité, la honte, la colère, le désir sexuel, (et l’acné juvénile).
Mais il est un domaine où tout se conjugue, connotation et dénotation confondues : vous l’avez deviné, vous me voyez venir, oui, c’est bien ça : le PINARD !
Ah le vin rouge ! La boisson des rois ! Le nectar des Dieux !
Oui, mais… me direz-vous, il n’y a pas que le rouge ! Il y a aussi le blanc, le rosé, qui ont également leurs lettres de noblesse !
Ah bon ? D’accord, le vin de messe est blanc ! Mais d’après ce que je crois savoir, cela vient du fait que le vin rouge, qui était celui de l’origine, celui qui symbolisait le sang du Christ, est devenu blanc parce que sinon le rouge ça tachait le linge liturgique ! Voilà, mais peut-être que je me goure, auquel cas Jésus avait peut-être du sang blanc, on n’en sait trop rien ! (c’est vrai que ces gens-là on sait pas trop finalement comment ils étaient fabriqués !).
Mais vous pourrez me raconter tout ce que vous voulez, pour moi, je dis bien POUR MOI -et ça n’engage que moi,- le vrai, le seul, c’est LE ROUGE !
Bon, dans les rosés, y a des trucs buvables (en été, quand il fait chaud et avec des amis) :
Tavel, Listel, Bandol, rosé de Provence…
Quant aux blancs, c’est vrai qu’il y a de très très grands vins blancs en Bourgogne par exemple :
Corton-Charlemagne, Meursault, Montrachet…
Ou en bordelais : Pessac-Léognan, Sauternes, château d’Yquem
En Alsace, et même en Champagne (si, si, y en a aussi)
Et ailleurs (Jura, Franche-Comté, Côte du Rhône, et j’en passe…)
Mais merde, quoi ! Vous n’avez jamais bu un Chambertin Clos-de-Bèze, ? une Côte-rôtie ? un Pommard, ? Un Aloxe-Corton ?
Vous n’avez jamais rêvé d’un Clos-Vougeot ? Vous ne vous êtes jamais roulé par terre devant une Romanée-Conti ? Vous n’auriez pas trahi votre meilleur ami pour lui voler son Château Cheval Blanc ? Vous ne tueriez pas père et mère pour une lampée de Mouton-Rothschild ?
Moi si, d’ailleurs j’ai fait tout ça !
Bon, voilà que je délire ! Mais si je n’ai malheureusement jamais rien bu de ces merveilles (à quelques très rares exceptions près) vu qu’elles sont loin, mais vraiment très loin de mes moyens, j’ai quand même eu la chance de goûter à quelque très bons crus, et ce depuis ma plus tendre enfance, mon biberon, et je dois dire que ces expériences enrichissantes m’ont marqué à vie ! La preuve !
Donc pour les connotations, il y a des choses qu’on ne peut nier : la poésie qui se dégage de l’évocation de ces noms prestigieux, l’image de ces terroirs de légende, de ces vignes cultivées avec amour (et oxyde de cuivre) la poésie des vendanges (mal payées) et toute cette culture merveilleuse faite de patience, de savoir-faire, d’amour (et de dollars), quand même !
Quant aux dénotations, je dis, paraphrasant W.C. Fields, qu’un homme qui aime le vin (rouge) ne peut pas être foncièrement mauvais !
Donc sans le rouge, pas de salut !
Alors vive le rouge, Noé, et Stendhal !
De toute façon, quand je bois je ne mens pas ! IN VINO VERITAS !